Tétiguienne !
"Lubin : On le veut tromper tout doucement. Vous entendez bien
?"
Arrivé dans l'arène, plus rien n'a de sens, les rôles sont redistribués. Je
m'étais préparé, j'étais excellent aux quelques répétitions que le professeur
nous avait laissé. Tapant du pied, tournoyant, flânant du regard, bondissant
d'un "tétiguienne" assurément dépassé, je prenais plaisir à jouer un
grossier téméraire, bravant l'absurde.
Je crois que cela a commencé au moment de mon premier regard avec le public,
je ne sais pas pourquoi, le public ne m'impressionne pourtant pas tant. La
feuille grelottait, le vent se levait doucement, mais les cordages, les poulies
se serraient au mat dans un bruit m'assurant que je ne rentrerai pas indemne.
La feuille tremblait maintenant. Quelques secondes statiques, et me voilà face
à une réalité que je voulais fuir, mon disque était il rayé ? Et je bougeai, un
pas a droite, un pas a gauche, reculant, vous ne verrez rien ! Mais voilà, au
bas de la page, quatre lignes tellement proches, et tellement embêtantes. Trop
longue tirade pour un piètre acteur tel que moi, l'extrémité de ma voile
semblait avoir raison de moi.
Cours de théâtre cette après midi, comme toujours, un cours plus
qu'éprouvant, où je réalise encore une fois que trop d'efforts tuent l'effort, un
peu trop élitiste, qui débouche sur une réflexion courante chez moi, "les
artiste et les autres". Et si je me plantais au permis mardi, et si je me plantais
aux partiels ? Tant pis, être un numéro n'est pas un crime. Une pression
débordante, m'empêchant de jouer et de prendre du plaisir, quel gâchis tout de
même pour ce cours où j'aimerai tant bien faire. Mais dans le bus, je le pense
comme tous les mercredis soirs, je suis frustré, je me répétais les conseils du
professeur, tout ceci est pourtant tellement évident et naturel, je voudrai
repasser, j'y ai laissé quelques un de mes cheveux, mais regretter, jamais. Je
ferai mieux la prochaine fois, après tout, au bout du chemin, il ne restera
rien.
"Lubin : Pour moi, je vais faire semblant de rien. Je suis un fin
matois, et l'on ne dirait pas que j'y touche."